Après la publication du rapport spécial du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (Intergovernmental Panel on Climate Change - IPCC) sur “l’océan et la cryosphère* dans le contexte du changement climatique” (IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate) en septembre 2019, Jean-Pierre Gattuso a accepté de répondre à nos questions sur la montée du niveau de la mer, la hausse de la température des océans, l’éducation de la nouvelle génération et l’urgence d’agir.

 

Jean-Pierre est, depuis 2017, le responsable (Coordinating Leading Author) du chapitre 1 de cadrage de l’ensemble du Rapport (Framing and context of the report) et auteur-contributeur du groupe de Travail 2 du GIEC (Impacts, Vulnérabilité, Adaptation)**. Il est chercheur associé sur les océans de l’IDDRI (https://www.iddri.org/fr), et Directeur de recherche CNRS de classe exceptionnelle,  au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche. Ses axes de recherche portent sur le cycle du carbone et des carbonates dans l’océan, les impacts des changements globaux (température, acidité, pollution) sur les organismes, les écosystèmes et les services écosystémiques, ainsi que les solutions aux changements climatiques.

Jean-Pierre est très actif sur Twitter, n’hésitez pas à poursuivre cette conversation >> http://www.obs-vlfr.fr/~gattuso | @jpGattuso

 

1) Gattuso JeanDe combien monterait le niveau de la mer si tous les glaciers arctiques et antarctiques fondaient ?

La calotte glaciaire du Groenland contient suffisamment d’eau pour faire monter le niveau de la mer de 6 m, celle de l’Antarctique de 60 m. Mais ce n’est prévu par aucun des scénarios évalués par le GIEC. La montée des eaux maximale en 2300 serait de 5,40 m.

2) Quelle est l’incidence de la hausse de température des océans sur la biodiversité marine et sous-marine ?

Les perturbations sont très profondes : mortalité de plantes et d’animaux marins, diminution de la biodiversité dans les tropiques, déplacement des plantes et animaux mobiles vers les pôles (30 à 50 km par décennie) avec un impact important sur la pêche.

3) Dans l’histoire de la terre avec ses périodes de réchauffement, quelle a été la hauteur maximum de la mer par rapport au niveau actuel ?

Le niveau de la mer a varié d’environ 400 m au cours des temps géologiques avec un pic il y a 450 millions d’années.

4) Est-ce que ce rapport ouvre de nouvelles perspectives en recherche et dans l’enseignement en environnement ? Et si oui, lesquelles ?

Oui, ce rapport évalue l’état des connaissances au moment de sa publication. Il identifie également des manques de connaissance et des incertitudes importantes qui justifient une recherche accrue dans certains domaines. Enfin, c’est le premier rapport du GIEC à insister sur l’éducation et la dissémination des connaissances.

5) Aujourd’hui, quel est ton message pour les jeunes adolescents ?

Je veux insister sur le fait que la situation du climat, de l’océan et de la cryosphère sera dramatique si aucune action climatique n’est entreprise très rapidement. En revanche, il est possible de stabiliser le réchauffement, l’acidification et la perte d’oxygène. Il est également possible de modérer l’augmentation du niveau de la mer. Il faut pour cela mettre en œuvre de toute urgence l’accord de Paris signé il y a 4 ans mais qui peine à être pris en compte. L’avenir du climat, des océans et de la cryosphère est entre nos mains.

Je soutiens sans réserve les jeunes qui manifestent pour exprimer leur inquiétude sur le climat futur. Il est important qu’ils relaient, avec les citoyens de tout âge, les connaissances scientifiques et l’urgence de l’action climatique.

6) Les analyses du rapport sont bien sûr alarmantes mais les conclusions ne sont pas défaitistes. Donc selon toi, quelles mesures générales devraient être adoptées en urgence par les États afin de limiter voire stopper certains phénomènes tels que le réchauffement de la température et l’acidification de l’eau ?

Il faut mettre en œuvre l’Accord de Paris qui comprend trois piliers : l’atténuation drastique et rapide des émissions de gaz à effet de serre (émission nettes égales à 0 en 2070), l’adaptation aux changements qui sont inéluctables et l’aide aux pays en voie de développent qui n’ont pas les moyens de s’adapter. Il est important de noter que toutes ces mesures doivent être mises en œuvre car l’adaptation sera très difficile voire impossible si l’atténuation est insuffisante.

 

*Rappel/Définition de la cryosphère : Ensemble du compartiment glace de la Terre, qui comprend les grandes calottes glaciaires de l'Antarctique et du Groenland, les glaciers de montagne et la banquise. (Source : www.futura-sciences.com)

**Nous rappelons ici que les auteurs des rapports du GIEC sont nominés par leur gouvernement puis selectionnés par le bureau du GIEC.