Jeudi 28 novembre à 20h, au centre culturel Les Arcs à Quéven (Morbihan), Stéphane Bruzaud, professeur à l’Institut de Recherche Dupuy de Lôme, Université Bretagne Sud (UBS), animera une conférence intitulée "Un monde sans plastique est-il possible ?"*. Stéphane a accepté de répondre à nos questions pour faire écho à ses recherches et à cette prochaine conférence.

 

entretien stephane bruzaud universite bretagne sud06Séance d’analyse au spectroscope dans les locaux de l’Université Bretagne Sud. Source : Fondation Tara OcéanStéphane Bruzaud est aujourd'hui partenaire scientifique du programme européen OceanWise (2018-2021), un programme qui vise à améliorer la protection de la biodiversité en développant notamment un ensemble de mesures pour réduire l'impact des produits en polystyrène expansé (PSE) dans l'océan Atlantique nord-est. Stéphane a également collaboré avec TARA MEDITERRANEE, avec comme objectif, à terme, de "dessiner une véritable cartographie des plastiques qui prolifèrent à la surface de la Méditerranée. Une pollution qui résonne avec [son] cœur d’activité : le développement de bioplastiques"**. C'est à travers ces activités, en s’appuyant sur des études menées en rade de Lorient, que Stéphane présentera un bilan de ces pollutions, leurs conséquences dramatiques sur l’écosystème et la santé humaine, ainsi que les matériaux innovants et biosourcés, alternatives vertueuses, lors de la conférence du 28 novembre.

1) Notre consommation de matières plastiques a été multipliée par 20 en 50 ans. Comment sommes-nous arrivés à utiliser autant de plastique ?

D'abord parce que les plastiques ont beaucoup de qualités (inerties chimique et biologique, durabilité, adaptabilité, légèreté, capacité à être isolants thermiquement et électriquement, prix, etc.). Toutes ces qualités ont fait que les plastiques se sont énormément développés dans les secteurs de l'emballage, des transports, du bâtiment, du sport, du médical ou des produits d'hygiène. Ils sont aujourd'hui devenus indispensables dans nos sociétés modernes. Face au "plastique bashing" en vogue aujourd'hui, il me paraît important de bien rappeler les raisons pour lesquelles leur production n'a cessé d'augmenter depuis les années 60. Hélas, ces développements importants sont accompagnés d'une gestion irrationnelle des plastiques, sans aucune régulation. Ces plastiques sont utilisés abusivement et sans aucun discernement dans bon nombre d'applications. Il en résulte un problème d'accumulation de déchets plastiques dont il est crucial à présent de se préoccuper. Certaines de leurs qualités initiales telles que leur durabilité ou leur inertie chimique deviennent ainsi des obstacles à leur élimination si ceux-ci se retrouvent malencontreusement dans l'environnement. Dans ce cas, les plastiques peuvent y persister des décennies, voire plus.


2) Quelles sont les différentes stratégies possibles pour résoudre ce problème, et quels en sont les obstacles ?

Plusieurs stratégies sont pertinentes pour espérer sortir de cette société du "tout plastique". D'abord, des comportements vertueux doivent être adoptés par l'ensemble des acteurs de la Société (industriels, distributeurs, pouvoirs publics et citoyens). Dans ce cas, il s'agit de diminuer notre dépendance au plastique à travers des réductions d'utilisation dans l'emballage en particulier (éviter le suremballage, éliminer les plastiques inutiles, réutiliser les plastiques autant que possible, etc.). Les stratégies de collecte et de valorisation doivent être développées tels que le recyclage mécanique ou l'incinération. D'autres comme le recyclage chimique commencent à émerger. Enfin, de nombreuses législations interdisent ou interdiront à terme l'utilisation de plastiques pour un grand nombre d'applications, celles notamment à usage unique ou à courte durée d'utilisation. Dans ce cas, l'utilisation de plastiques compostables est une piste privilégiée pour substituer ces plastiques. De nombreux nouveaux modèles éco-responsables sont en voie de développement telle qu'une relocalisation des modes de productions associée à l'utilisation de matières issues de la biomasse pour fabriquer ces plastiques biodégradables. Le challenge est d'instaurer des modèles de bioéconomie durable qui pourront avoir des conséquences très positives en termes d'impact environnemental mais aussi en termes de retombées économiques sur les territoires concernés.



3) Quel est votre message pour les jeunes adolescents qui craignent pour l'avenir de la planète et donc leur avenir ?

Les opérations de sensibilisation déjà existantes doivent être renforcées et s'adresser à l'ensemble des acteurs de la Société. Les messages doivent aussi circuler dans les écoles, les collèges et les lycées pour associer les jeunes et les très jeunes à toutes ces actions qui visent à modifier les comportements et les habitudes acquises depuis longtemps par les générations antérieures qui ont grandi  avec le développement des plastiques. Je crois fermement que ce sont les jeunes et les très jeunes qui pousseront citoyens, industriels, politiques et scientifiques à faire évoluer notre rapport avec le plastique dans un sens qui soit le plus éco-responsable qui soit.

Retrouvez plus d'informations sur les activités de Stéphane Bruzaud et accédez à toutes ses interventions en ligne sur sa page personnelle : http://people.irdl.fr/stephane-bruzaud/

* Inscriptions à la conférence sur https://www.queven.com/evenements/conference-un-monde-sans-plastique-est-il-possible/

** Source : https://oceans.taraexpeditions.org/m/science/les-actualites/stephane-bruzaud-rencontre-avec-une-tete-chercheuse-et-son-microscope/